Monseigneur Paul Kirchhoffer
Un animateur avant l’heure

 

Né à Bartenheim près de Saint-Louis (Haut-Rhin) le 29 juin 1912, Paul Kirchhoffer fut ordonné prêtre, à 23 ans, le 13 juillet 1935 par Mgr Ruch dont il avait gardé un souvenir particulièrement vivant. Il est entré dans la paix du Christ le matin du 3e dimanche de l’Avent "Gaudete in Domino semper", le 17 décembre 2000.

Comme jeune prêtre, l’abbé Kirchhoffer commence son ministère dans l’enseignement, au Collège épiscopal de Zillisheim, où il enseigne les lettres pendant deux ans. Le 1er septembre 1937 il fait sa rentrée au Collège épiscopal Saint-Etienne où, non content d’enseigner les lettres, il fonde une manécanterie de Petits Chanteurs. Avec ces derniers, il anime les messes des élèves au collège et donne très rapidement des concerts de chansons populaires et de Noëls. Remarqués par les responsables de Radio Strasbourg pour la qualité de leurs prestations, les Petits Chanteurs sont régulièrement invités à se produire sur les ondes de Radio Strasbourg. Malheureusement la guerre met un terme à cette entreprise pleine de promesse qui a fait connaître le jeune abbé animateur de jeunes par le chant.

Pendant la guerre de 1940 à 1945, l’abbé évite soigneusement les ondes et la presse car, avec le chanoine François-Xavier Keller, il sillonne l’Alsace pour visiter discrètement les séminaristes dispersés dans les établissements scolaires, suite à la fermeture des séminaires. Il devient par la force des choses l’animateur du séminaire invisible et pourtant bien réel. Cela se traduit par des réunions périodiques dans des maisons congréganistes du Nord au Sud de l’Alsace.

Nommé directeur au Grand Séminaire en 1945, l’abbé Kirchhoffer retrouve avec joie beaucoup de ses protégés, suivis pendant la guerre quasi clandestinement. Il crée la Schola du Grand Séminaire appelé "Grand Chant", avec une cinquantaine de chantres, qui va assurer la Grand’Messe dominicale ainsi que les Vêpres à la cathédrale. La petite formation appelée "Lutrin" assure les offices à la chapelle du Séminaire. En suivant les cours de l’Institut Grégorien de Paris avec MM. Le Guennant et Potiron, il ira jusqu’au diplôme final qui lui permettra d’enseigner le chant grégorien ainsi que la direction et l’accompagnement au Conservatoire de Musique de Strasbourg. Nombreux furent les élèves à suivre ces cours du jeudi ou du samedi.

Il parcourt tout le diocèse en véritable apôtre du chant grégorien, apprenant aux chefs, organistes et choristes la "bonne méthode de Solesmes". En bon pédagogue, il prolonge l’enseignement oral par la publication dans Caecilia des leçons de chant puis d’accompagnement grégorien en français et en allemand afin d’être compris et suivi par tous. La Revue Grégorienne de Solesmes lui offre même de publier son cours d’accompagnement dans un numéro spécial qui eut un grand retentissement dans toute la francophonie. Le diocèse reconnaît ses grands mérites en le nommant Chanoine Honoraire de la Cathédrale, le 29 juin 1962, jour de sa fête et de son anniversaire. Pendant 22 ans il assure les chants avec le chœur des séminaristes à la cathédrale dont le rayonnement ne cesse d’augmenter grâce aussi aux émissions régulières de chant grégorien retransmises en direct par Radio Strasbourg sous sa direction et avec le concours de l’abbé J-J Rosenblatt à l’orgue de choeur.

Le chanoine fut un amoureux des langues, autant du latin-grec que des langues vivantes. Aussi, au Grand Séminaire, lui confia-t-on l’initiation à la prédication allemande, langue qu’il possédait parfaitement, ce qui lui valut de l’enseigner en classe de philosophie, au Séminaire St Thomas. Le Faust de Goethe, en particulier, n’avait plus de secret pour lui. Et lorsqu’il s’agissait de traduire les mandements de Carême ou d’autres documents officiels, Mgr Elchinger faisait tout naturellement appel à ses services. Que de livres traduits pour les Editions Salvator de Mulhouse. On pouvait aussi l’apercevoir se rendant Impasse du Tiroir, à la Providence, où il assurait également des cours de langues. Il savait saisir toutes les occasions pour se perfectionner dans la connaissance des langues. Il engageait la conversation avec une femme de ménage d’origine espagnole (ne lisait-il pas Ste Thérèse d’Avila dans le texte !), un maçon italien sur un chantier ou des étudiants anglophones. Que de souvenir de son voyage en Angleterre !

Si un grand nombre de séminaristes l’ont apprécié comme directeur spirituel, un certain nombre lui doivent d’avoir été encouragés à se perfectionner en musique et en particulier dans le jeu de l’orgue. Il a su transmettre son enthousiasme et a ainsi créé une véritable dynamique dans toute l’Eglise diocésaine. Aux côtés de Mgr Hoch il portait le souci du devenir de l’Union Sainte Cécile dont il était le secrétaire général.

Avec le Concile Vatican II et la Constitution sur la Liturgie, un énorme chantier s’ouvre en matière de musique liturgique. Afin d’éviter toute polémique, le chanoine Kirchhoffer applique un principe de bon sens «Nous supprimons lorsque nous savons par quoi remplacer ». Lui, l’apôtre du chant grégorien devient le champion du psaume responsorial et de l’acclamation de l’évangile en langue vernaculaire, en parfait serviteur de son Eglise. Nous lui devons d’avoir passé cette période d’adaptation post-conciliaire sans heurts, à la fois dans le respect de notre longue tradition musicale en Alsace et avec un esprit d’ouverture pour accueillir toutes les décisions du Concile. Avec les évêques successifs Messeigneurs Weber, Elchinger et Brand, le chanoine a toujours milité pour la messe alsacienne où l’on chante en latin, en français et en allemand sans oublier la place qui revient à l’orgue présent dans chaque sanctuaire.

1967 marque un tournant dans la vie du chanoine Kirchhoffer. Mgr Alphonse Hoch vient de mourir. Tout naturellement le chanoine est élu Président de l’Union Sainte Cécile et Mgr l’évêque le nomme Chanoine Titulaire. Très discrètement il va faire la mise à jour conciliaire au Chapitre où l’on chante l’office avec les hymnes et les psaumes en français du recueil diocésain Louange à Dieu sans pour autant exclure les beaux chants latins comme par exemple les belles antiennes O du temps de l’Avent.

Grâce à lui, l’Union Sainte Cécile se voit attribuer un bureau à l’Evêché. La revue Caecilia change de format et de contenu, les formations et les réunions cantonales se multiplient et l’équipe des collaborateurs s’étoffe. Il met ainsi la Commission de Musique Liturgique de plus en plus au contact et au service des paroisses et des chorales. En 1973 Mgr l’évêque lui attribue un "coadjuteur" en la personne de votre serviteur. J’ai ainsi eu la chance de cheminer à ses côtés jusqu’en 1982, année du Centenaire de l’Union Sainte Cécile. Le 16 juin de cette même année le chanoine devient Prélat d’Honneur de Sa Sainteté. Il a 70 ans et il cède la place de président de l’Union Sainte Cécile et de responsable diocésain de Musique Sacrée.

De 1982 à 1991 année de son départ à la retraite, Mgr Paul Kirchhoffer est actif au Chapitre Cathédral. Il en devient le Doyen ce qui lui vaut d’accueillir aux portes de la cathédrale le Pape Jean-Paul II lors de sa visite aux diocèses de Strasbourg et de Metz en 1988.

Le Chanoine émérite Mgr Kirchhoffer vivra ses neuf années de retraité en compagnie d’une maladie qui le réduira progressivement au silence et à l’isolement. Son piano ne fera plus la joie des pensionnaires de la Maison de retraite de la Toussaint et bientôt la télévision n’attirera plus son attention. En 1992, à l’occasion de ses 80 ans, il a encore la grande joie de concélébrer une dernière fois avec le chanoine Gauthier Timmer en présence de sa famille et d’un petit groupe d’amis et anciens collaborateurs. Entouré des siens jusqu’au bout et visité régulièrement par quelques familiers, Monseigneur chemine imperceptiblement jusqu’aux portes du paradis qui, nous l’espérons, se sont ouvertes pour lui, dimanche dernier, 17 décembre 2000, tandis que résonnait le chant de l’Introït "Gaudete in Domino semper", réjouissez-vous toujours dans le Seigneur.

Gérard Grasser

UNION SAINTE CECILE